Ombres
Une grande gare, un lieu de tri, un carrefour important-dans la ville. Des gens qui vont, des gens qui viennent, inlassablement […]. En ce lieu, évoluent des figures de citadins, bien éduqués et pressés, qui connaissent bien leurs chemins obligatoires, ils ne trébuchent pas, ils ne commettent jamais d’erreurs. Une machine indéfinie et ponctuelle les pousse, ou les traîne, et doucement un brouillard semble les couvrir, les absorber, estomper et nier leurs contours, dans une inconscience ouatée et opaque qui, pourtant, ne les arrête pas, qui continue à les pousser en avant, toujours plus en avant… Vers où rien ne semble avoir d’importance, et on continue- dans les limbes d’un présent sans histoire, sans conflit, sans qualité. On accepte de devenir ombres, et on ne s’en rend pas compte. Sans résistance, sans réactions : même plus hommes-masses, mais plutôt hommes-larves, hommes-fantômes, hommes-ombres qui, peut-être autrefois, étaient des hommes […].
Goffredo Fofi
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